Harcèlement verbal : Référendum et élections en Haïti en 7 mois, selon Fils-Aimé, Pedrica St-Jean et Gracien Jean

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L’absurde comme gouvernance : l’ambition constitutionnelle de M. Fils-Aimé ou la dernière illusion technocratique. Les Haïtiens retiennent leur souffle, impatients d’assister à une scène devenue symbole d’un ras-le-bol collectif : Alix Fils-Aimé descendant l’escalier de l’ascenseur. Dans un contexte saturé d’improvisation, de harcèlement verbal et d’annonces précipitées, l’idée même d’un référendum ou d’élections en moins de sept mois apparaît à beaucoup comme une farce institutionnelle.

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À force de persister dans l’art de gouverner sans peuple, sans institutions et sans légitimité, les actuels de facto haïtiens ont trouvé leur vocation : administrer le néant avec assurance. En annonçant solennellement, en ce mois de mai 2025, l’organisation d’un référendum constitutionnel et de scrutins électoraux dits inclusifs avant la fin de l’année, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé ne démontre pas une volonté de réforme. Il révèle plutôt une forme de décalage profond, presque maladif, par rapport aux réalités concrètes.

Cette « rencontre de haut niveau », pompeusement relayée par la Primature, ne mérite pas l’analyse juridique que l’on réserve aux projets sérieux. Elle exige plutôt une lecture satirique, voire psychanalytique. Car que peut-on diagnostiquer, sinon un délire organisé de gouvernance, dans ce projet d’élaborer une nouvelle Constitution dans un pays dont les routes sont bloquées par des gangs terroristes, les quartiers contrôlés par des milices, les tribunaux désertés, et l’administration publique moribonde ?

Le gouvernement n’inspirant aucune confiance – voir rapport Transparency International 2025 – prétend vouloir redonner confiance au citoyen haïtien. Quel citoyen ? Celui en exil ? Celui qui dort dans les camps de déplacés internes à Tabarre et à Carrefour-Feuilles ? Celui dont l’école est fermée ou incendiée, dont l’hôpital est pris en otage, dont le marché est vidé ? L’incantation démocratique ne suffit pas à créer une réalité politique. Et pourtant, c’est bien sur cette illusion que repose le dernier tour de prestidigitation de la Primature.

Ce n’est pas la première fois que le pouvoir haïtien made by CARICOM tente de vendre à la communauté internationale le mirage de sa propre stabilité. La nouveauté, cette fois, réside dans l’effronterie du calendrier : sept mois. Sept mois pour désarmer les groupes criminels, rétablir l’état civil, former des bureaux électoraux, écrire un texte fondamental ki la depi lontan, le soumettre à débat, à référendum, puis organiser des élections générales. Même le plus zélé des despotes éclairés aurait hésité devant une telle entreprise de reformatage express. M. Fils-Aimé, lui, s’y lance avec une étonnante sérénité.

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Mais au fond, qui du pouvoir ou de ses partenaires internationaux joue le jeu le plus cynique ? Car la farce ne fonctionne que parce qu’elle est tolérée. L’ONU Femmes, l’UNESCO et quelques autres agences étaient présentes à cette réunion. Doit-on comprendre qu’elles cautionnent cette tentative de maquillage institutionnel ? Ou s’agissait-il d’une simple présence protocolaire, d’un énième geste diplomatique sans conséquence ?

Il ne faut pas s’y tromper : ce n’est pas d’une Constitution dont Haïti a besoin en priorité, mais d’un retour à l’ordre humain. Il faut d’abord garantir la vie, la mobilité, l’éducation, la justice, la dignité. Ce que propose aujourd’hui M. Fils-Aimé n’est rien d’autre qu’un écran de fumée, une « Constitution de papier » qui ne survivra ni au silence des urnes ni au vacarme des armes.

Cette volonté de normaliser l’exception, de constitutionnaliser l’effondrement, est plus qu’un échec intellectuel : c’est une forme de violence politique. Une violence douce, souriante, documentée par communiqué officiel, mais qui participe d’un même processus de déshumanisation de l’homme haïtien, où l’on fait semblant de reconstruire un État alors qu’on administre un champ de ruines.

Et lorsque la satire ne suffit plus, il reste la mémoire. Celle des peuples auxquels on a tout promis, sauf le respect. Celle des constitutions écrites sans société, des élections tenues sans électeurs, des gouvernements installés sans gouvernés.

cba





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