Quand vous répondez, Elsie, ce n’est pas un écho, c’est une secousse

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Par Ralf Dieudonné JN MARY 

Chère Elsie,

Je vous écris ces lignes avec respect et reconnaissance, parce que votre réaction à mon texte m’a touché profondément. Hier (1er Août 2025), j’ai publié sur Rezo Nòdwès une réflexion sur la manière dont l’éducation en Haïti perpétue des mécanismes de déshumanisation, hérités de l’histoire coloniale et enracinés dans certaines pratiques sociales devenues « normales ».

Votre texte n’a pas simplement « réagi » ; il a donné à ma réflexion une autre amplitude, une autre intensité. Ce qui suit n’est donc pas une réponse pour débattre, mais une manière d’entrer en dialogue avec vous, et d’approfondir ensemble une question essentielle : comment dire la vérité sur nous-mêmes sans renoncer à espérer ?

C’est donc avec respect, humilité, mais aussi la conviction que nos voix peuvent se compléter, que je souhaite vous répondre aujourd’hui. Pas pour atténuer la force de vos mots, mais pour expliquer pourquoi, parfois, la douceur peut être un acte de résistance aussi puissant que le cri.

En effet…

Il y a des lectures qui bouleversent en douceur, et d’autres qui éclatent comme une gifle. Votre texte, Elsie, en réaction à mes réflexions sur l’éducation et la déshumanisation en Haïti, fait partie de ces éclats nécessaires. Ce que vous avez écrit n’est pas une réponse froide : c’est une secousse, un réveil, un appel à ne plus caresser les plaies en s’excusant de les montrer.

Je veux d’abord vous remercier. Parce qu’il y a dans votre prise de position un acte d’engagement profond : celui de ne pas laisser passer l’indifférence, celui de refuser que des voix, même timides, soient étouffées dans le brouhaha des convenances. Vous avez lu mon texte, et vous y avez vu un début de mouvement. Vous avez vu que quelque chose, même petit, cherchait à se frayer un chemin. C’est un geste d’une rare noblesse de vous pencher sur cette étincelle et d’y souffler avec force pour qu’elle prenne feu.

Oui, vous me reprochez d’être « trop gentil ». Vous avez raison, à votre manière. Mais j’aimerais vous dire, Elsie, que la douceur de mon ton n’est pas une marque de frilosité. Ce n’est pas un silence maquillé. C’est une méthode. Une posture de parole qui tente, à travers la pédagogie et l’interpellation posée, de fissurer les murs de résistances internes qui nous empêchent de nous voir tels que nous sommes.

Dans un pays où l’agressivité est souvent perçue comme le seul signe de sincérité, choisir la nuance peut paraître suspect. Pourtant, je crois que certaines vérités doivent être dites d’une manière qui laisse le cœur de l’autre ouvert. Non pas pour ménager l’égo, mais pour permettre à la conscience de se déposer là où l’injure ou le coup de massue échouent.

Je comprends, cependant, votre impatience, Elsie. Elle vient de loin. De cette longue lutte où la franchise est une arme de survie face à l’hypocrisie sociale et à la complicité des élites. Votre parole est celle d’une combattante qui a vu trop de compromissions et trop de souffrances étouffées sous des discours de façade. Votre rigueur n’est pas un caprice ; elle est née d’un besoin vital de briser les chaînes du mensonge social. Et cela, je l’honore profondément.

Il n’y a pas de contradiction entre nos approches. Il y a plutôt une complémentarité nécessaire. Là où vous criez pour déchirer le voile, j’essaie de chuchoter pour atteindre le cœur. Dans tous les cas, nous disons la même chose : il est urgent de regarder en face la monstruosité des pratiques que nous avons banalisées sous le couvert de « traditions », de « culture », ou de « discipline ». Il est urgent d’arrêter de travestir en valeurs ce qui n’est qu’avilissement programmé.

Ce que vous appelez de vos vœux, Elsie – et que j’espère aussi – c’est une rupture. Une rupture avec cette complaisance collective qui transforme la violence en folklore, la cruauté en proverbes, et la déshumanisation en « ordre social ». Cette rupture ne se fera pas en un jour, ni par une voix unique. Elle a besoin de vous, qui osez crier, comme elle a aussi besoin de ceux qui sèment patiemment dans les esprits ce que la révolte brute ne peut pas toujours faire germer.

Je n’ai pas choisi d’être « gentil » ; j’ai choisi de parler à ceux qui baissent les yeux, non pas par soumission, mais par peur de voir ce qu’ils ont accepté d’appeler normal. Je veux que ces yeux se relèvent. Non pas pour se rebeller immédiatement, mais pour commencer à regarder autrement.

Elsie, en écrivant votre texte, vous n’avez pas « réagi » : vous avez prolongé ma voix. Vous lui avez donné un écho plus tranchant, plus exigeant. Et j’en suis reconnaissant. Car le combat contre la déshumanisation ne se gagnera pas avec des postures solitaires. Il se gagnera quand nos voix, différentes mais sincères, s’accorderont pour mettre fin à ce cycle infernal du pareil au même.

Je suis honoré que ma modeste contribution ait suscité chez vous une réponse aussi forte. Cela me confirme que le combat est loin d’être vain. Que les mots, même dits à voix basse, peuvent faire bouger les lignes quand ils trouvent des oreilles attentives et des cœurs ardents comme le vôtre.

Je continuerai d’écrire avec ma voix. Je continuerai de lire avec humilité les cris de ceux qui m’entourent. Ensemble, avec nos manières différentes, nous ferons avancer le même combat.

Cliquez le lien ci-dessous pour lire le texte d’Elsie dans Elsie News.

Quand des personnes commencent à s’interroger sur l’éducation qu’ils ont reçue, c’est que ça commence à bouger…

Ralf Dieudonné JN MARY Ralf Dieudonné est un amoureux des humains. Je suis quelqu’un qui aime aider les gens. J’aime les aider à s’accomplir et à faire ce qu’ils souhaitent en le réussissant.



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