L’Edito du Rezo
Le 8 septembre prochain, la Federal Aviation Administration (FAA) devra statuer sur le maintien ou la levée de l’interdiction des vols commerciaux américains vers Port-au-Prince. Cette échéance, qui dépasse le simple domaine technique, engage des paramètres essentiels de souveraineté et de crédibilité étatique. Dans la perspective du droit international aérien, une telle décision constitue en réalité une évaluation de la capacité d’Haïti à garantir la sûreté de ses installations et la fiabilité de ses régulations. Un refus signifierait l’échec de l’État à satisfaire aux standards minimaux, tandis qu’un allègement s’interpréterait comme une reconnaissance partielle d’un retour à la normalité sécuritaire.
Cependant, la problématique ne saurait se réduire au seul terrain réglementaire. Elle renvoie directement au monopole de fait qu’exerce Sunrise Airways sur les liaisons internationales et domestiques. L’absence de concurrence, dans un contexte de marché restreint et peu transparent, conduit à une inflation tarifaire insoutenable. Comme l’a signalé l’économiste Dr Labossière, un aller simple Miami–Cap-Haïtien atteint désormais près de 1 000 dollars. La libéralisation de l’espace aérien haïtien, corrélée à une décision positive de la FAA, représenterait non seulement un acte de souveraineté retrouvée mais aussi un facteur potentiel de démocratisation de la mobilité pour la diaspora et les usagers locaux.
À ce niveau, la question du transport aérien illustre un problème structurel : l’État haïtien délègue de facto ses prérogatives à des acteurs privés, incapables d’assurer un équilibre entre rentabilité et service public. Si la FAA confirmait l’interdiction, le Conseil présidentiel de transition (CPT) apparaîtrait comme un organe de gouvernance déficitaire, n’ayant pas convaincu la communauté internationale de sa capacité à sécuriser ses propres infrastructures. La persistance d’un monopole sans contrepoids traduirait ainsi un double échec : économique, par l’asphyxie des usagers, et politique, par l’incapacité à rétablir un minimum de régulation.
Enfin, au-delà de la technique, il s’agit d’une question de responsabilité politique. Si la sanction de la FAA est maintenue, le CPT se trouvera disqualifié aux yeux du pays et de l’étranger, incapable de prétendre organiser un référendum ou des élections « crédibles ». Haïti se verrait une fois encore renvoyée à une honte nationale : des dirigeants voyageant à l’étranger, tandis que leurs concitoyens demeurent cloués au sol. Dans ce contexte, l’interrogation devient pressante : quelles réalisations tangibles le CPT peut-il revendiquer ? Quels « territoires perdus » a-t-il réellement récupérés, sinon la seule affaire de la Téléco à Kenscoff, entachée par des rumeurs de « négociations » de plus de 100 millions de gourdes confiés aux gangs ? Le 8 septembre, le véritable décollage attendu ne sera pas seulement celui des avions, mais celui de la vérité sur l’état réel du pays et sur l’utilité effective d’un Conseil censé incarner la transition.
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