Photos, photos, photos : Le pouvoir pixelisé

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République en portrait

Ils posent.
Ils posent comme on ment.
Devant les rideaux, devant les drapeaux,
Devant les ambassadeurs, les généraux, les attachés,
Ils posent, l’air grave, le menton haut,
Comme si la posture pouvait remplacer la structure.

Ils s’appellent Alix, Fritz, Leslie, Gilles, St-Cyr…
Noms recyclés comme des slogans fanés.
Ils publient la photo, puis ferment la fenêtre.
Dehors, la rue gémit.
Dedans, la climatisation tourne à plein régime.

Ils montrent qu’ils rencontrent.
Mais ne gouvernent pas.
Ils affirment qu’ils dialoguent.
Mais n’écoutent rien.
Ils signent des accords qu’ils ne liront jamais.
Et feignent d’ignorer que les lois ne s’écrivent plus
Depuis que les balles ont pris la parole.

Haïti ?
Une République sans République.
Une nation prise en otage
Par des photos de façade.
Une autorité sans urnes, sans justice, sans autorisation du peuple.
Pas un élu depuis cinq ans.
Mais chaque jour, une nouvelle image.
Le pouvoir pixelisé.

Les hôpitaux ? des morgues sans lumière.
Les écoles ? des refuges pour mères déplacées.
Les tribunaux ? des théâtres sans juges.
Les routes ? des pièges pour les camions d’aide.
Et partout, des gangs —
Ministres de la terreur, préfets de l’impunité.

Mais eux, ils posent.
Main dans la main avec la diplomatie,
Bras dessus bras dessous avec la hiérarchie militaire.
Et bientôt, un référendum !
Le 11 mai, pour valider le néant.
Sans électeurs, sans légitimité,
Mais avec stylos et stylisme.

La démocratie devient costume.
La politique devient encadré.
Et le peuple ?
Le peuple observe.
Il voit les photos,
Mais vit la peur.
Il lit les communiqués,
Mais mange l’absence.

La République est en portrait,
Mais son âme est en exil.



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