Beaumont, Grand’Anse — Juin 2025
Au cœur des montagnes de Beaumont, dans la Grand’Anse, trône un bâtiment scolaire au nom chargé d’histoire : le Lycée National Serge Doréstant. Ce qui devrait être un sanctuaire de savoir, de discipline et d’émancipation est aujourd’hui un lieu de désolation et d’abandon. Cette situation est non seulement inacceptable, mais constitue une faille grave dans les engagements de l’État haïtien envers le droit fondamental à l’éducation.
Un bâtiment encore solide, mais une école en ruine
Malgré l’apparente vétusté, le Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications (MTPTC) a clairement laissé un tag confirmant que la structure du bâtiment est encore solide et récupérable. Ce constat technique rend d’autant plus absurde et révoltante l’inaction des autorités éducatives.
Les toitures effondrées, les salles de classe insalubres, les sanitaires inexistants, l’absence de mobilier fonctionnel et de matériel didactique font du lycée un environnement hostile à l’apprentissage. Les enseignants, dévoués mais épuisés, y dispensent des cours dans des conditions qui ne répondent à aucune norme pédagogique ou sanitaire.
Dans la cour du lycée, un bus “Service Plus” rouillé, abandonné là depuis des années, trône comme un symbole de promesse trahie, de politique publique morte-née. Ce vestige, à lui seul, illustre l’état de délabrement non seulement de l’établissement, mais de tout un système éducatif à bout de souffle dans les zones rurales.
Un lycée stratégique dans une commune sous pression
Le contexte de Beaumont rend cette situation encore plus urgente. Cette commune accueille aujourd’hui un nombre croissant de personnes déplacées internes (PDI), ayant fui la violence des zones métropolitaines. La pression sur les services de base — dont l’éducation — s’accentue, mais les moyens ne suivent pas.
Le Lycée National Serge Doréstant, seul établissement secondaire public de la commune, devrait être un rempart contre la délinquance, l’oisiveté et la désespérance. Il pourrait devenir un espace d’accueil, de résilience, de protection et de construction de paix pour les jeunes, y compris ceux issus des familles déplacées.
Mais sans un minimum d’intervention, le lycée court le risque d’un effondrement physique irréversible, et avec lui, la perte de toute une génération d’apprenants.
Un appel à la responsabilité de l’État
Face à cette situation, le silence ou l’inaction de l’État serait perçue comme une trahison. Le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) et le Fonds National de l’Éducation (FNE) ne peuvent plus se réfugier derrière les lenteurs administratives ou le manque de ressources. Il s’agit ici d’un cas de négligence grave et d’iniquité territoriale.
Les jeunes de Beaumont ont les mêmes droits que ceux de Port-au-Prince, des Cayes ou de Cap-Haïtien. Ils méritent une éducation digne, dans un cadre décent et stimulant. Réhabiliter ce lycée, ce n’est pas seulement réparer des murs, c’est restaurer la confiance de la population envers ses institutions, prévenir la criminalité par l’éducation, stabiliser une région fragile, et envoyer un message clair que la République ne recule pas devant ses responsabilités.
L’éducation, ou la spirale de l’abandon
Ne pas agir, c’est alimenter un cercle vicieux : déscolarisation massive, exode rural, montée de la violence, perte de repères, et destruction du tissu social. Ce qui coûte cher aujourd’hui, coûtera dix fois plus demain en interventions d’urgence, en insécurité accrue, en dépendance à l’aide humanitaire.
Au contraire, réhabiliter le Lycée National Serge Doréstant, c’est un investissement stratégique. C’est redonner de la valeur à une commune riche en potentiel humain et agricole. C’est semer les graines d’une citoyenneté active et d’un développement durable.
Marc-Dalème ACCÉUS