Quand l’illégalité se fait discours d’État
Le communiqué de la Primature, évoquant un éventuel référendum constitutionnel, témoigne d’un renversement grave de l’ordre républicain. Il faut le rappeler sans ambages : la Constitution haïtienne interdit formellement toute procédure référendaire visant sa révision (article 284.3). Or, c’est précisément cette voie que prétend emprunter un Premier ministre dépourvu de mandat populaire, désigné par une instance transitoire elle-même inconstitutionnelle. Ce discours n’est donc pas seulement politiquement irresponsable : il est juridiquement illégitime. Parler de réforme constitutionnelle dans ces conditions, c’est ériger l’arbitraire en méthode et usurper un pouvoir souverain appartenant exclusivement au peuple.
Une parole qui expose les Haïtiens de l’étranger à l’humiliation politique
Ce type de prise de parole, tenu dans des forums publics ou diplomatiques, a des répercussions directes et délétères pour les Haïtiens vivant à l’extérieur. Chaque déclaration qui piétine les principes constitutionnels renforce l’image d’un État dysfonctionnel, ce qui alimente les politiques d’expulsion, de stigmatisation ou de refus de visa dans les pays d’accueil. En laissant croire à un climat de normalité institutionnelle, alors que le pays est plongé dans une crise de légitimité prolongée, la corruption, l’impunité, le gouvernement de doublure contribue à fragiliser davantage ses propres ressortissants. Les Haïtiens de la diaspora paient ainsi, dans leur chair et leur dignité, le prix des dérives autoritaires d’un pouvoir sans base populaire.
L’assourdissant silence des partenaires internationaux
Que ces propos aient été prononcés en présence de représentants étrangers, sans qu’aucun d’eux n’oppose ne serait-ce qu’une réserve, en dit long sur le désengagement moral des alliés d’Haïti. Ce silence, qu’il soit stratégique ou par indifférence, légitime de facto l’entreprise d’un pouvoir qui foule au pied le cadre constitutionnel. La complicité passive des partenaires internationaux est d’autant plus choquante qu’elle survient dans un contexte où les exilés haïtiens sont de plus en plus exposés à l’arbitraire administratif et aux retours forcés. Loin de soutenir le peuple haïtien, ce mutisme diplomatique accrédite les discours gouvernementaux les plus aventureux.
La dépossession politique des Haïtiens, dans et hors du pays
Ce communiqué ne constitue pas une initiative de réforme, mais un acte de dépossession politique. En prétendant modifier la Constitution sans débat public, sans légitimité électorale, sans consultation de la diaspora, le gouvernement actuel réduit la nation à un cercle restreint d’acteurs non représentatifs. Ce mépris pour les Haïtiens de l’extérieur – pourtant piliers économiques et acteurs culturels majeurs – révèle une stratégie de clôture autoritaire. La parole d’État devient ici l’instrument d’un verrouillage institutionnel, où les citoyens, qu’ils vivent en Haïti ou non, sont exclus du processus de refondation. Dans ce contexte, parler de démocratie relève du simulacre.
Nadelson Delcéus
Londres