Muhammadu Buhari, ancien président du Nigeria, est mortDernières nouvelles d’Haïti : Politique, Sécurité, Économie, Culture.

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Le président nigérian Muhammadu Buhari au siège de l’ONU à New York, aux États-Unis, le 19 septembre 2017. SHANNON STAPLETON/REUTERS Dictateur militaire au début des années 1980, Muhammadu Buhari est revenu au pouvoir trente ans plus tard, comme président élu du Nigeria en 2015, réélu en 2019. Mué en un démocrate au discours ferme et promettant le

Le président nigérian Muhammadu Buhari au siège de l’ONU à New York, aux États-Unis, le 19 septembre 2017.

Dictateur militaire au début des années 1980, Muhammadu Buhari est revenu au pouvoir trente ans plus tard, comme président élu du Nigeria en 2015, réélu en 2019. Mué en un démocrate au discours ferme et promettant le changement, ce général à la retraite réputé incorruptible et sévère a ravivé un temps l’espoir d’un miracle économique nigérian conjugué à une victoire sur le groupe djihadiste Boko Haram, au nord-est du pays. Le septuagénaire fragilisé par la maladie n’est pas parvenu à réaliser son rêve de transformer le pays le plus peuplé d’Afrique en un Etat prospère et pacifié inspirant tout le continent. Il est mort le 13 juillet, à l’âge de 82 ans.

« La famille de l’ancien président a annoncé le décès de Muhammadu Buhari cet après-midi dans une clinique à Londres », a annoncé sur les réseaux sociaux Garba Shehu, qui fut son porte-parole durant sa présidence (2015-2023).

Né le 17 décembre 1942 à Daura, dans l’actuel Etat de Katsina, à la lisière de la frontière avec le Niger, Muhammadu Buhari a grandi parmi 23 frères et sœurs dans le nord du Nigeria bientôt unifié mais encore administré « indirectement » (indirect rule) par le colonisateur britannique. Son père, un notable fulani, meurt dans les premières années de sa vie. Il est élevé par sa mère haoussa dans ce Nord musulman, rural et commerçant dominé par de grandes familles patriciennes à l’histoire séculaire de conquêtes et de djihads, de voyages et d’érudition.

Chef de guerre puis gouverneur militaire

Le Nigeria devient indépendant en 1960. A 19 ans, Muhammadu Buhari s’engage dans l’armée. Il rejoint la prestigieuse académie militaire de Kaduna puis se forme au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Il gravit peu à peu les échelons, occupe des fonctions stratégiques et se fait une place de choix au sein de l’élite politicomilitaire nordiste et musulmane, avide de pouvoir et parfois animée par un sentiment de supériorité sur les sudistes chrétiens.

A l’issue du coup d’Etat brutal de juillet 1966, marqué par l’assassinat du premier ministre, auquel il participe, Muhammadu Buhari dirige des troupes durant la guerre du Biafra (1967-1970) et se lance dans la politique comme gouverneur militaire de l’Etat du nord-est, sous la présidence du général Murtala Muhammed.

Ce dernier est assassiné le 13 février 1976 et son successeur, Olusegun Obasanjo, confie à Muhammadu Buhari le poste délicat de commissaire fédéral chargé du pétrole qui irrigue les caisses de l’Etat tout en alimentant une corruption massive et une fuite de capitaux. L’économie nigériane en souffre et le retour du pouvoir entre les mains d’un civil, sous la présidence de Shehu Shagari (1979-1983) n’arrange rien. L’armée décide de le renverser et de confier, en 1983, le destin de cette puissance économique africaine à l’un des siens, l’inflexible Muhammadu Buhari. « Nous voulions arrêter la dérive », dira-t-il plus tard.

Le général-président putschiste s’illustre par son intransigeance et sa détermination à lutter contre la corruption, n’hésitant pas à user de la force, à faire arrêter, juger – souvent de manière expéditive – et emprisonner plusieurs centaines de personnalités politiques, de fonctionnaires et de dirigeants d’entreprises. A cela s’ajoutent des mesures d’austérité économique drastiques et une rupture avec le Fonds monétaire international. L’institution exige une dévaluation de la monnaie et impose ses vénéneux programmes d’ajustement structurel à une grande partie du continent qui peinera à s’en remettre.

« Guerre contre l’indiscipline »

La doctrine de Muhammadu Buhari se résume en trois lettres : « WAI », soit « guerre contre l’indiscipline ». Au sens large. Ce qui se traduit par une réduction des libertés publiques dont la presse, l’opposition politique, mais aussi des intellectuels et des artistes libres penseurs, tel le charismatique musicien Fela Anikulapo Kuti, figurent parmi les cibles à faire taire. Muhammadu Buhari, controversé et dépassé par la détérioration de la situation économique, agace de plus en plus, y compris au sein de l’armée.

Après moins de deux ans au pouvoir, il est renversé en août 1985 par le chef d’état-major des armées, Ibrahim Babangida, artisan de la plupart des putschs. A 42 ans, Buhari est jeté en prison. Il y restera presque trois ans. Il est resté une icône de fermeté et d’intégrité dans un pays où des centaines de milliers de barils de pétrole disparaissent comme par magie et des milliards de dollars s’évaporent, détournés des caisses d’un Etat dirigé par des présidents corrompus et parfois extrêmement brutaux, comme le fut le général Sani Abacha (1993-1998).

Muhammad Buhari le sait bien, lui qui a été choisi par Abacha pour présider le Petroleum Trust Fund, une agence chargée de mener à bien des projets de développement et d’infrastructures, en priorité dans les zones rurales. Il dirige cet organisme de 1994 à 1999, et se relance dans le jeu politique. « Je prends la responsabilité de tout ce qui s’est passé sous ma présidence. (…) Je ne peux pas changer le passé. Mais je peux changer le présent et le futur », déclare Muhammadu Buhari en février 2015 à Londres dans les locaux du groupe de réflexion britannique Chatham House. Il s’exprime peu et n’accorde des interviews qu’au compte-gouttes. Même devenu démocrate, il goûte toujours peu la contradiction.

Malgré son état de santé préoccupant, l’homme brigue la magistrature suprême après plusieurs échecs aux élections présidentielles de 2003, 2007 et 2011. Sa campagne de 2015 met l’accent sur une relance de l’économie soumise à la volatilité des cours de l’or noir, sur la lutte contre la corruption. Il promet d’éradiquer Boko Haram, secte islamiste devenue, en 2009, un groupe djihadiste armé qui ravage le nord-est du pays, une région que Buhari connaît bien pour l’avoir gouvernée dans les années 1970. Il est élu en mars 2015 avec plus de 53 % des voix face au président sortant, Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud au bilan calamiteux, qui accepte sa défaite et offre au Nigeria une alternance encore aujourd’hui citée en exemple sur le continent.

Pauvreté et Boko Haram

En chef d’Etat élu démocratiquement, Muhammadu Buhari continue de cultiver le secret et la discrétion, confiant les postes les plus stratégiques – notamment sur le plan sécuritaire – à des vieux militaires originaires du nord, comme lui. Sa croisade anti-corruption permet d’assainir l’économie. Mais elle devient un instrument politique. Elle épargne son administration mais se montre sans merci à l’égard des ministres et des proches de son prédécesseur.

Son logiciel de pensée nationaliste semble usé, n’intégrant pas les tendances et les aspirations d’une population de près de 200 millions d’habitants dont 63 % a moins de 25 ans. Parmi ces derniers, un tiers souffre du chômage. Buhari ne parvient pas à les comprendre, donc à les satisfaire. Et puis, à peine élu, il fait face à une récession économique et à une vive résistance des fantassins de Boko Haram dont une partie, établie sur les îles et les rives du lac Tchad, a prêté allégeance à l’organisation Etat islamique. Boko Haram est bien loin d’être « techniquement défait », comme l’a affirmé Buhari. Le chef de l’Etat peine à endiguer la crise humanitaire et les déplacements de populations fuyant les massacres et les affrontements avec l’armée nigériane qui s’illustre aussi par sa brutalité.

Dans la région pétrolière du sud-est du pays, pauvre et ravagée par la pollution causée par l’exploitation pétrolière, des « militants », ces pirates lourdement armés ont repris leurs activités. Leurs attaques sur les installations pétrolières fragilisent l’économie. Plutôt que d’accepter de négocier, Muhammadu Buhari les qualifie de « terroristes ».

C’est son vice-président, Yemi Osinbajo, qui va gérer avec tact cette crise, en l’absence, parfois plusieurs mois durant, du chef de l’Etat contraint de se faire soigner à Londres. Bien qu’affaibli, il se fait réélire en février 2019 (56 % des voix), sans enthousiasme mais avec le soutien de sa base électorale du nord, face au richissime homme d’affaires, Atiku Abubakar, 71 ans, politicien éprouvé mais à la réputation entachée par des affaires de corruption.

En 2020, la pandémie de Covid et la chute des prix du pétrole affectent fortement les finances publiques. Il est confronté en octobre 2020 à un vaste mouvement de contestation : des manifestations ayant pour slogan « End SARS » contre les violences policières, qui ont mobilisé des milliers de jeunes. Et même lorsque le président a dissous l’unité spéciale de police incriminée (le SARS) et promis des réformes, les manifestations n’ont pas cessé. Le 20 octobre 2020, après l’instauration d’un couvre-feu à Lagos, des forces de sécurité avaient ouvert le feu sur des manifestants pacifiques, provoquant un tollé national et international.

Dans une tribune publiée en 2020 dans le New York Times, l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie écrivait que son mandat avait été « un échec de leadership », accusant son gouvernement d’être « inefficace depuis longtemps, avec une forme d’indifférence assumée ». Depuis son départ du pouvoir en 2023, M. Buhari s’était retiré dans sa ville natale de Daura. Le président en exercice, Bola Ahmed Tinubu, a pour sa part indiqué s’être entretenu avec l’épouse de M. Buhari. Les drapeaux seront mis en berne en hommage au défunt, a-t-il indiqué.

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