Le CPT a échoué, la Caricom est dépassée : Faisons appel aux éminentes personnalités haïtiennes !

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Il faut le dire sans détours : le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), cette création bancale issue d’un compromis régional orchestré par la Caricom, a échoué. L’échec est patent, brutal, presque cynique. Ce qui se voulait un mécanisme de sortie de crise n’a fait que plonger le pays un peu plus profondément dans l’incertitude, l’inertie et l’indignité.

On ne construit pas une maison sur du sable mouvant, encore moins sur un tas de rivalités personnelles, de calculs mesquins et d’ambitions voraces. Dès le départ, la composition du CPT – fruit d’un jeu de parts politiques et non d’une sélection fondée sur la compétence, l’éthique ou la vision – portait en elle les germes de sa propre implosion. Six mois plus tard, la désillusion est totale : pas de sécurité retrouvée, pas de leadership assumé, pas de cap clair. Pire encore, le climat politique est alourdi par des soupçons de corruption et des querelles intestines qui n’ont rien à envier aux régimes que cette transition était censée dépasser.

Quant à la Caricom, médiatrice bienveillante mais désormais dépassée, elle n’a pas su adapter ses outils à la spécificité haïtienne. À force de vouloir imposer une méthode sans repenser les fondations, elle a perdu toute crédibilité auprès d’une population désabusée. Le mal est plus profond que ce que la diplomatie régionale peut guérir par des réunions formelles, des communiqués creux et des mises en scène protocolaires.

Il est donc temps de faire preuve d’audace, de lucidité et surtout, de dignité. Haïti ne se relèvera pas par décret extérieur. Il faut recommencer à zéro, mais sur des bases neuves, nationales, et nourries d’une autre ambition. Il est impératif de revenir autour de la table, mais cette fois-ci avec d’autres arbitres, d’autres repères moraux, d’autres motivations.

Nous devons, enfin, faire appel à nos propres forces morales. Car malgré le cynisme ambiant, malgré les trahisons politiques à répétition, Haïti compte encore des femmes et des hommes de valeur, ici et ailleurs, qui ont gardé leur intégrité et leur attachement sincère à la nation.

Pensons à des personnalités comme Suzy Castor, historienne respectée et militante infatigable ; François Benoît, ancien président de la Commission indépendante de vérification et d’évaluation électorale, homme de rigueur ; Marvel Dandin, journaliste qui n’a jamais baissé la tête devant l’injustice ; Michaëlle Jean, ancienne gouverneure générale du Canada, voix influente de la diaspora ; Michel Soukar, penseur engagé ; Ertha Pascal-Trouillot, figure symbolique de la transition post-Duvalier ; Patrick Gaspard, diplomate aguerri et stratège reconnu ; Michaëlle Saint-Natus Auguste, pédagogue et rassembleuse… Cette liste n’est pas exhaustive…

Aucun d’eux n’est parfait, et c’est tant mieux : les saints n’existent pas en politique. Mais chacun d’eux, à sa manière, a su traverser les décennies sans jamais se vautrer dans la médiocrité ou la compromission. Ils incarnent une autre manière de servir. Ils peuvent, à défaut de gouverner, faciliter, accompagner, arbitrer.

Appelons-les. Consultons-les. Écoutons-les. Qu’ils deviennent les gardiens provisoires d’un processus qui, pour une fois, ne serait ni téléguidé par les intérêts étrangers ni parasité par les querelles de clans. Qu’ils aident à poser les jalons d’une nouvelle légitimité politique, fondée sur le mérite, le dialogue, l’inclusion et l’intégrité.

Il ne s’agit pas de rêver un gouvernement des sages. Il s’agit de refonder le cadre, de redonner souffle à un peuple épuisé, de hisser le pays au-dessus du tumulte et des manigances. Il s’agit, tout simplement, de reprendre le destin d’Haïti en main, avec courage, lucidité… et une dose de mémoire.

L’heure n’est plus aux pactes fragiles ni aux promesses creuses. Elle est à l’invention d’une voie haïtienne vers le renouveau. Et cette voie commence par un acte de foi : croire encore en nous-mêmes.

Daniel Alouidor



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